Safran, propice au sommeil et sublime dans l’assiette

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Utilisé depuis 4000 ans, le Safran – épice la plus chère de la planète – n’est que l’une des innombrables espèces de crocus. Dans la pizza, la bouillabaisse ou les bonbons on le préfère à son déloyal concurrent, le colorant E100 (curcuma)!

Originaire de perse

Crocus à safran

Le plus célèbre des crocus, Crocus sativus, le safran, est une espèce à floraison automnale, originaire de Perse et qui, depuis, s’est disséminé un peu partout en Europe. Les anglais le cultivaient intensivement dans l’Essex avant de l’importer d’Espagne ou d’ailleurs. En France, le safran aurait fait son apparition au deuxième siècle après J.C., en Provence. Cependant, c’est surtout à partir du XVè siècle que sa culture gagne du terrain : au début des années 1900 on le bichonne non seulement en Provence, mais aussi en Gascogne, en Poitou et en Normandie. Aujourd’hui il est cultivé sur de petites superficies dans le Gâtinais, l’Angoumois, les départements de la Drôme du Vaucluse ainsi qu’en Bretagne où de nombreux jeunes agriculteurs, bio le plus souvent, s’essaient à sa culture.

Le crocus d’ornement

Crocus à safran

Le crocus d’hiver-printemps, cousin germain du safran, est herbacé par sa partie aérienne et vivace par son bulbe. Haut de 30 cm maximum, il comporte une dizaine de feuilles et de 1 à 3 fleurs. Les feuilles apparaissent au même moment que la floraison et sont munies d’un astucieux dispositif qui leur permet de s’enrouler sur elles mêmes, renfermant alors les stomates dans un tube, ce qui limite fortement la transpiration en cas de sécheresse. Les fleurs, en forme de calice, s’ouvrent largement en pleine lumière ; lorsque le temps est nettement couvert et la nuit, elles se referment. La floraison se déroule sur trois mois (janvier, février et mars), ce qui représente une longue période : le jardinier averti jouera des multiples variétés en vente sur le marché pour colorer à volonté ses plates bandes  hivernales et printanières. Les cormes sont à planter à 8-15 cm de profondeur et à 6-10 cm de distance. Ils sont usuellement placés en pot, bordure, rocaille et pelouse. Laissés en place ils se naturalisent et gagnent du terrain. Tous les sols leur conviennent, seul facteur limitant : l’humidité de la terre en été. Les crocus d’automne se plantent malheureusement moins fréquemment. Mis à part la période de floraison, ils présentent des conditions de développement identiques ; le safran en fait partie. Les safranières sont défaites et les cormes replantés dans une nouvelle terre tous les 4 ans environ, ceci en raison de la remontée progressive des “bulbes” vers le dessus du sol.

Au dessus des braises

Crocus à safran

Contrairement à la plupart des crocus, le Safran fleurit en automne. La récolte des fleurs, qui ne dure que 15 jours, n’est pas une partie de plaisir, ainsi que le rapporte le comte de Gasparin, en 1874 :

« La cueillette se fait partout par le moyen de femmes et d’enfants qui parcourent le champ en coupant avec l’ongle la fleur au ras de terre et la mettent dans un panier passé au bras gauche : le soir venu tous les ouvriers de la ferme se réunissent autour d’une table : chacun d’eux est muni d’une petite écuelle où il dépose les pistils à mesure qu’il les extrait de la fleur, ce qu’il fait en coupant le tube avec l’ongle à l’endroit où il commence à s’évaser en limbe ».

En une soirée chaque personne ne parvenait à « éplucher » et à extraire (les 3 stigmates vermillon de chaque fleur mauve) que 250g de safran frais, soit 20g de safran sec. Fin stratèges, les exploitants de l’époque acceptent, en soirée, la présence des jeunes hommes du village qui, en plus de courtiser les ouvrières, offrent leur aide bénévole. Ces veillées, agrémentées d’histoires, permettent ainsi de traiter rapidement les fleurs, faute de quoi une partie de la récolte moisirait. En Gâtinais un procédé de séchage ultra rapide fut mis au point : les précieux stigmates étaient brassés en permanence dans un tamis, au dessus de braises, jusqu’à dessèchement total. 

Antidépresseur, anticonvulsifiant, protecteur du bon cholestérol

Crocus à safran

Un papyrus datant d’il y a 3500 ans cite l’utilisation que les égyptiens faisaient du crocus pour guérir les affections des yeux. En Crête, une fresque du palais de Minos atteste de l’ancienneté de son utilisation : elle représente une jeune fille procédant à la cueillette rituelle du Safran. Pas de doute : notre bulbeuse fait partie de la pharmacopée humaine depuis belle lurette. Au 19ème siècle, toutefois, les commentaires, ainsi que le note Cazin, sont moins dithyrambiques :

« les émanations du safran agissent si énergétiquement sur le système nerveux qu’elles occasionnent des céphalgies, des vertiges, des tremblements, de l’accablement, et une sorte d’ivresse à ceux qui la récoltent. Borelli et d’autres observateurs rapportent des cas  où elles ont occasionné le coma et même la mort à des individus qui s’étaient livrés au sommeil dans des chambres où il y avait beaucoup de safran, ou sur des sacs qui en étaient remplis ».

Quoi qu’il en soit le safran, convenablement administré –c’est la dose qui fait le poison- réduit les fièvres, est antispasmodique, diminue l’hypertrophie du foie et a un effet antidépresseur. Ces propriétés pharmacologiques ayant été démontrées par de multiples expérimentations. Par ailleurs, la crocine du safran diminue le mauvais cholestérol et… augmente le bon (HDL). Médicinal, le safran se fait également tinctorial : la teinture au safran est réputée, particulièrement lorsqu’on l’applique sur la soie.

Étymologie, conservation, utilisation

Safran

Crocus sativus est le nom botanique du safran. Crocus a pour origine le mot grec krokos, fil, qui indique le stigmate, objet de la récolte. Selon une autre hypothèse, crocus viendrait de croké, mot grec également, qui désigne la trame du tisserand, en allusion au bulbe qui est recouvert d’une fine trame chevelue. Sahafaran ou zafran désigne la couleur jaune en arabe. Le safran sec, ne se conserve que dans un récipient étanche et opaque à la lumière: c’est ainsi que son arôme et son goût restent intacts (“amère, chaude et légèrement poivrée” selon Marie-Pierre Arvy). En cuisine le safran se met à toutes les sauces, si l’on peut dire: entremets, pâtisserie, soupe de poisson, paella, confiserie, sauces variées.

Valeur marchande exceptionnelle

Epices

Déjà, au Moyen Age, au même titre que le poivre, le safran est utilisé comme monnaie pour payer certains impôts et taxes. Aujourd’hui, épice la plus chère du monde, le safran se négocie de 20 000 à 40 000 euros au kg, selon la qualité. Inutile de rêver : votre jardin ne suffira pas à produire les 120 000 à 150 000 fleurs nécessaires à l’obtention d’un kilo de safran, soit la bagatelle de… près d’un demi-million de stigmates ! Cazin note, en 1868, que les contrefaçons et autres risques d’atteinte à l’intégrité du produit sont légion :

« les falsifications ordinaires sont l’humidité, les fleurons du carthame, du souci, les fleurs de grenadier hachées, des fibres musculaires desséchées, puis du sable, du plomb, etc. »

Cet et-cetera laisse songeur sur la capacité imaginative des fraudeurs du XIXè siècle. Fraudeurs tout aussi actifs en ce début de XXIè siècle mais dont les agissements se détectent facilement: leurs prix sont bien en dessous de ceux du marché!

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